19.2.07

On a le temps d'en faire un troisième ?

Ma formation en vue d'obtenir l'habilitation au VFR de nuit continue. Après la découverte des tours de piste (voir les récits ici ou ici), il y a une étape incontournable : le lâcher de nuit en tour de piste.

Certains diront qu'il ne s'agit que d'un tour de piste, fusse-t-il dans le noir. Un simple rectangle en vue du terrain. Rien de compliqué. Mais comme tous les lâchers, le plaisir est dans l'anxiété que procurent ces premiers vols "tout seul".

Je me suis préparé depuis plusieurs vols. J'ai bien révisé mes check-lists et tout ce qui fait qu'un VFR de nuit est un chouya différent d'un vol de jour. Depuis, je m'applique dans les "check roulage", même de jour. Depuis, je n'écrase plus mon plan juste avant d'arrondir, mais je continue sur mon plan à 3% pour chercher la piste sans chercher le kiss. Je m'applique à me poser sur la ligne. Une autre façon de faire et un très bon exercice pour moi qui cherchait inévitablement le kiss et qui a(vait) la mauvaise habitude de se poser à gauche de la ligne.

Plusieurs vols avaient été annulés pour cause de météo, un vol à cause de l'avion indisponible et mon lâcher retardé d'autant. Peu importe. Le plaisir de voler reste intact de jour comme de nuit.

19h00. Toussus. Je mets en route. Christophe assis à droite. Nous voilà parti pour deux tours de piste en 25 "pour voir". Tout se passe bien. L'avion vole bien et l'élève satisfait l'instructeur. Christophe attire tout de même mon attention sur les trafics environnants. Ce sont les vacances et ce soir, les Cessna et PA28 sont de sortie... dans le tour de piste, sur Sierra, de retour de RBT... Il y a du monde en l'air.

En fin de vent arrière, lors du 2ème tour de piste, Christophe annonce :

- "On va faire un complet en 25L... Tu as ton carnet ? Ton certificat médical est à jour ?"
- "Oui... Oui... mais... On a le temps d'en faire un troisième ? Juste pour voir si ce n'était pas de la chance, les deux premiers ?"

L'élève n'a toujours pas confiance en lui à moins qu'il veuille garder l'instructeur à bord.

Nous voilà pour un troisième tour de piste sans problème. En vent arrière dernière consigne pour le lâcher. Pour être lâché en tour de piste de nuit, il faut effectuer 5 atterrissages complets. Pas de touch&go, pas de remise de gaz. A Toussus, c'est un peu pénalisant, le roulage pour remonter est assez long. On se promène sur la plate forme en faisant un peu le tour. Le faire cinq fois n'enchante pas forcément les élèves. On doit préférer voler ? Le truc est donc de demander à faire un complet suivi d'un demi-tour sur la piste et d'une remontée directe pour s'aligner. Je devrais donc annoncer mon intention afin que le contrôleur s'organise si c'est possible.

Finale à gauche. L'instructeur est toujours assis à droite. Je me suis rassuré tout seul. On dégage au bout de la 25 gauche et dans le noir, je repère les hangars de l'aéroclub Air France. On quitte en annonçant que l'élève va repartir pour 5 tours de piste solo. Glurps... la pression monte.

Tout comme pour mon lâcher de jour (il y a plus de trois ans), l'instructeur s'éloigne. Il va à la tour. Je referme la verrière sans la verrouiller. Je ressors la check "avant démarrage moteur" pour me remettre dans le bain. Sur le fauteuil de droite, j'ai préparé ma planchette avec une page blanche pour inscrire le nombre de tour de piste. Je serais capable de l'oublier et de n'en faire que 4.

Juliet-Lima démarre au quart de tour. Pression d'huile dans le vert, alternateur sur marche, avionic sur ON. Je prend l'ATIS. Il n'a pas bougé. Ce sera Charlie et toujours la 25.

- "Toussus info, Juliet-Lima, (re)bonsoir !"
- "Juliet-Lima, Toussus Information, rebonsoir"
- "Toussus Info, Fox-Golf 2 fois Juliet-Lima, un DR400 au parking Air France avec Charlie pour 5 tours de piste"
- "Juliet-Lima, on vient de changer de piste en service, la 07, roulez point d'arrêt 07 droite"

07 ? C'est plus la 25 ? Eeeehh ! C'est mon lâcher ! Faut pas changer comme ça ! Je collationne un peu mécaniquement.

Je desserre les freins. Encore une fois, je n'ai pas oublié d'allumer les phares et les feux de NAV. Je m'avance. Il est temps de rechercher la route vers la 07 droite.

Bien sûr, j'ai déjà tourné en 07 de nuit. Là n'est pas le problème. Je n'ai juste pas tourné aujourd'hui en 07 ! Peut-être ont-ils changé les repères ! Peut-être ne vais-je pas retrouver mon vent arrière ? Saclay ? Le rond point ? Et le terrain ? Et le lâcher, c'était peut-être un lâcher en 25 et pas en 07 ?

Il ne faut pas grand chose pour que ça cogite alors que je roule doucement. Je suis la ligne jaune (salvatrice pour les roulages de nuit) et je retrouve mon point d'arrêt. Je me calme, me raisonne et effectue mes essais moteurs... tranquiiiille... Jusqu'à ce qu'un appareil viennent m'éblouir en stoppant juste derrière moi alors qu'il avait, lui, une clairance pour la 07 gauche. Un peu de fausse pression. Ne me dérangez pas, c'est mon lâcher !

L'agent AFIS de Toussus me donne les vents et me demande de rappeler vent arrière, mais je n'entends pas mon immat. Dans le doute, je demande à répéter, mais manque de pot, le contrôleur a pris les devants et nous nous marchons sur les pieds. Je redemande et rebelote... Nous parlons ensemble. Une troisième fois et ce jeu commence à occuper pas mal la fréquence. Je suis toujours au point d'arrêt. Il n'y a que moi dans cette position, mais je n'ai pas envie de prendre un message pour moi alors qu'elle est pour un autre appareil. Même s'il s'agit d'un AFIS, à mon niveau je ne prend aucun risque.

- "Vous pouvez répéter pour le Juliet-Lima ? On s'est marché sur les pieds, désolé"
- "Juliet-Lima, les vents du 100 pour 5 noeuds, rappelez vent arrière travers tour".

Voilà. Je collationne. M'aligne. Règle mon conservateur. Me cale dans mon fauteuil. Les talons au plancher. Les grosses lettres 07R sont éclairées par mes phares. Le balisage lumineux scintille devant moi jusqu'en bout de piste. La 07 droite est à moi.

Plein gaz. Coup d'oeil au compte tour. "Puissance disponible". Le panneau d'alarme. "Pas d'alarme, on continue". Le badin. "Badin actif". J'essaie de rester sur la ligne. Les lampes blanches de bord de piste défilent. La vitesse augmente. 80... 90... 100... 115 km/h... "Rotation"... "Cherchez 130 km/h". La bille. Du pied. Pas trop. Pas assez. Je regarde devant, personne.

150 km/h. Zut. L'instructeur est si lourd que ça ? Ah, non, le vent est dans le bon sens cette fois-ci. En 25, on avait une légère composante arrière. Je tire sur le manche tout en surveillant la vitesse qui se rapproche de 130 km/h. Un oeil sur le conservateur, et je regarde derrière moi pour voir si je ne dérive pas trop de l'axe 07 droite.

L'avion monte. 1000 ft. Le début de vent traversier. La pompe sur OFF. Le moteur continue à tourner. Le phare sur OFF. Les volets rentrent. Me voilà en tour de piste de nuit et tout seul.

Troisième backtrack de la soirée. J'ai de la chance. Les deux ou trois autres appareils dans le tour de piste sont synchros avec moi et le contrôleur, malgré qu'il soit AFIS, les fait se poser ou toucher à droite. La 07 gauche m'est donnée à tous les coup. Je remonte doucement sur la ligne. Je me détends. Je reconfigure la machine. Réchauffe poussée, verrouillée... volet 1 cran sortie symétrique... pompe sur ON, réservoir avec de l'essence, le phare reste allumé.

Il fait chaud. Bizarre. Il fait vraiment chaud dans cet avion. C'est peut-être un symptôme du lâcher. Déjà lors de mon lâcher de jour, j'avais souffert de la chaleur. C'était au mois de mai, sous un soleil presque estival. J'avais joué, en vent arrière, avec l'aération du DR221. Ce soir, dans le vent arrière de Toussus, une nuit de février, je me repenche à droite et cherche à couper ce chauffage qui commence à me faire suer. Bis repetita.

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